17 janv. 2011

Les éditeurs prendraient-ils la mauvaise direction ?

"l'année 2011 sera marquée par le ralliement d'autres industries culturelles au dispositif de la "réponse graduée" de la Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et pour la protection des droits sur Internet (Hadopi)". Pour ce faire, le Syndicat National de l'Edition (SNE) : "vient de lancer le processus de sélection d'une technologie de surveillance des livres numériques sur Internet et prépare son dossier de lutte contre le piratage".

Eh bien, on peut dire que ça commence mal ! Alors que cette activité démarre, qu'il y a de plus en plus de "liseuses" qui sortent, si les éditeurs voulaient fusiller cette nouvelle activité, ils ne s'y prendraient pas autrement.

Il y a au moins deux choses qu'il ne faut pas oublier dans l'usage d'un livre. Un livre (je parle du livre papier, comme on le connaît depuis plusieurs siècles), ça se lit n'importe où, dans son fauteuil, dans le train, dans son lit, dans les toilettes aussi... donc, en extrapolant sur le format électronique de la chose, il faut qu'un livre téléchargé et acheté puisse se lire partout, sur tout support, sur toute liseuse, sur tout ordinateur, sur toute tablette, parce que si on commence par n'autoriser qu'un format par appareil, on va droit dans le fiasco commercial, on a bien vu ce que les DRM avaient fait pour (ou plutôt contre) l'industrie du disque, puisqu'on en était arrivé à l'aberration d'un bien "légalement acheté" que l'on ne pouvait pas écouter partout, ou transférer sur son balladeur. Alors, pourquoi payer un truc bien cher qui souffre de tant de restrictions, alors qu'on peut l'avoir gratuit sans la moindre contrainte ?

D'accord, ce n'est pas tout à fait la même chose, là, il s'agit de l'HADOPI, de la loi sur la surveillance et la condamnation des vilains qui pourraient avoir l'idée de télécharger gratuitement des livres, comme ils le feraient pour la musique et de les mettre à la disposition des autres. Mais, et c'est la seconde chose, un livre, ça se lit, ça se relit, ça se prête, souvent à plusieurs personnes, ça se transmet. Donc, en extrapolant sur le format électronique, il faudrait pouvoir offrir le fichier, le prêter, et même le vendre à la Foire à Tout locale !! Et on ne le pourrait plus ? Ce serait illégal ?

Tiens, on se demande pourquoi les éditeurs ne sont pas partis en guerre contre les bibliothèques municipales, dans lesquelles, pour une cotisation modique, qui ne représente même pas le prix d'un livre papier en librairie, on peut emprunter autant d'ouvrages que l'on veut (ouvrages que le particulier n'achètera donc pas(*)). Ce qui fait que le livre a été acheté une fois, par la bibliothèque, et a été lu par de nombreuses personnes.... quelle différence avec un fichier mis à disposition de ceux qui souhaitent le partager ? Qu'il n'a pas été ''vendu'' au moins une fois ? Donc, qu'il n'a pas rapporté de sous à l'éditeur ?

Admettons. Admettons aussi que l'on ne passe pas par un quelconque réseau parallèle illégal et qu'on achète un fichier, lequel, admettons toujours, est lisible partout, sur toute plateforme, et transmissible à qui on veut. Quel est l'avantage par rapport à l'achat d'un livre papier que l'on pourra prêter à ses copains ? Le poids ! Oui, ça, c'est un gros avantage, quelques octets pèsent nettement moins lourd que 300 pages de papier (et tiennent moins de place dans la maison) ! Le prix ? Sachant que la matière première est moins onéreuse que le papier, que la numérisation d'un ouvrage n'a lieu qu'une fois, et qu'il n'y a pas de frais d'édition (matière première et manutention) on pourrait s'attendre à.... eh bien non, même pas vraiment significatif. Voici deux exemples pris au hasard dans le catalogue de la FNAC, pour deux ouvrages, proposés aux deux formats, électronique et papier :

  • Cet été-là - Véronique Olmi - version électronique : 13,99 euros au lieu de 17,10 en version papier
  • Nous étions les hommes - Gilles Legardinier : 14,30 euros au lieu de 17,96 en version papier
soit à peine plus de trois euros de différence....

Alors, si j'avais un conseil de bon sens à donner aux éditeurs, si vous avez si peur que le piratage vous ruine, ne le favorisez pas et commencez par rendre vos offres plus attractives financièrement, plutôt que de menacer les lecteurs des foudres de l'HADOPI ou, pire, d'instaurer des restrictions d'usage. Parce que, quand on veut prendre du fric de partout, sur le dos des clients, ça finit toujours par vous retomber sur la gu***e... euh, pardon, sur la figure, bien sûr !

Les citations du début du billet sont extraites de cet article

(*) Encore que bien souvent, les gros utilisateurs des ressources des bibliothèques locales sont aussi de gros acheteurs de livres en librairie...

3 commentaires:

Grimlock a dit…

En fait, il y avait eu une idée de taxation des livres de bibliothèques qui a fait long feu ... Justement parce que nos "écrivains" pensaient que ces pauvres lecteurs abonnés leur faisaient, tout compte fait, perdre de l'argent.
Ne me demande pas de source, je n'en ai pas là, mais ça doit se trouver.

merlin8282 a dit…

"Sachant [...] que la numérisation d'un ouvrage n'a lieu qu'une fois"
Et encore, je suppose que les nouveaux supports sont déjà numériques à la source : l'auteur tape son texte dans son ordinateur plutôt que de l'écrire à la main.
Cela dit, il reste toutefois les relecteurs et correcteurs (dont le travail doit certainement être facilité quand leur support de travail est numérique).

cajera a dit…

"Le prix ? Les liseuses ou autres tablettes, c'est tout beau, tout nouveau, et beaucoup de gens (peut être un peu geek) vont se précipiter pour les acheter sans trop regarder le prix du livre. Alors, pourquoi vendre peu cher une version électronique d'un livre qui aurait été de toute façon acheté en version papier ?

Ces liseuses permettent d'emmener beaucoup de livres, certes, mais pour la plage, je préfère le livre papier car celui ci ne craint pas les grains de sables.

Il me semble que la lutte contre le piratage des livres concerne peu le particulier. Copier un cd et le mettre en ligne, c'est facile et à la portée de tous. Numériser un bouquin de 500 pages demande plus de travail et de matériel.