10 mars 2014

Pauvres villages

À un mois à peine des élections municipales un nombre non négligeable de petites communes n'ont pas pu présenter au moins une liste de candidats. Pourquoi ? Ceci ne s'étant jamais vu depuis des décennies.. Pour plusieurs raisons :

Déjà, la toute nouvelle loi électorale est très contraignante, en imposant une stricte parité et une non moins stricte alternance homme-femme sur la liste. Faudra-t-il refuser la compétence et la bonne volonté d'un homme et prendre une femme que ça n'intéresse pas (ou l'inverse d'ailleurs) ? Quid des toutes petites communes d'une centaine d'habitants maximum qui risquent de manquer sérieusement de postulant(e)s ? Autre contrainte, l'élection des délégués aux diverses EPCI se feront sur le même bulletin de vote, avec là aussi, une stricte alternance, et l'obligation que ces délégués soient dans les cinq premiers de la liste. Avant, c'était le Conseil Municipal qui élisait ces délégués, lesquels n'étaient pas forcément le maire ou l'un des adjoints. Donc, si vous souhaitez être délégué à votre EPCI, et que vous ayez le sexe requis, il vous faut aussi accepter d'être maire ou adjoint... On en rajoute une couche : dans les communes de 1000 à 3499 habitants, le panachage en vigueur avant est interdit, le bulletin sera nul et le sera aussi si on rajoute un nom non inscrit, comme on faisait auparavant, donc, bonjour les bulletins nuls lors du dépouillement, avec des "anciens" qui feront comme ils ont toujours fait....

En dehors de ces nouvelles règles électorales, pourquoi y a-t-il si peu d'enthousiasme pour la fonction de maire dans une petite commune ? Là aussi, de multiples raisons. Contrairement aux grandes villes qui ont des employés nombreux et des services techniques conséquents, dans les villages, tout doit être géré par le maire et les conseillers, depuis les organisations de chantiers jusqu'à la préparation du budget en passant pas l'achat de victuailles et la vaisselle ensuite lors des manifestations diverses. Noyé dans un dédale de détails à régler, ça devient lourd,  très lourd, c'est un boulot à temps complet d'être maire et c'est là justement que le bât blesse. En effet, à moins d'être retraité, femme au foyer ou fonctionnaire (pour certains métiers où un détachement est possible), il faut quasiment quitter son emploi pour six ans, avec le gros risque quasi inévitable de se retrouver à Pôle Emploi à la fin du mandat, ce qui donne à réfléchir... S'il est encore possible de gérer une toute petite commune tout en effectuant ses 35h hebdomadaires à l'extérieur, dès que la commune dépasse les 1000 habitants, c'est infiniment plus acrobatique et totalement épuisant.

Il ne faut pas oublier non plus que plus on multiplie les instances, plus les prérogatives des maires s'amenuisent. Si les sénateurs ont réussi à sauver quelques libertés concernant l'urbanisme, celui-ci est quand même très encadré par le SCOT qui émane de l'EPCI locale (communauté d'agglomération ou de communes). Les conseils généraux gèrent les collèges, les conseils régionaux ont la charge des lycées, les deux sont des pourvoyeurs de fonds sans lesquels aucune réalisation ne peut se faire, alors qu'est-ce qu'il reste au maire et au conseil municipal ? En dehors de l'état civil (mariages, cartes d'identité) ? Eh bien beaucoup de choses... Les chiens errants, les tondeuses à gazon le dimanche matin, les querelles de voisinage, les dégradations diverses effectuées par les gamins qui s'ennuient pendant les vacances (alors que la poignée de gendarmes octroyée par le ministère est à 10 kilomètres), la difficile gestion des parents d'élève des écoles primaires pour lesquels on n'en fait jamais assez pour leurs chers petits (comment, demander 3 euros pour manger à la cantine, c'est beaucoup trop cher, et la garderie, ça devrait être gratuit et au moins jusqu'à 21h...), les prestataires de service qui abandonnent les chantiers inachevés, les râleurs professionnels, tous sujets hautement passionnants n'est-ce pas ?  On comprend pourquoi les candidats ne se bousculent pas, en dehors des plus grandes villes où la fonction est plus gratifiante, moins contraignante, quand elle n'est pas politisée ce qui est un motif primordial pour certains.

D'après certaines préfectures, alors que l'obligatoire dépôt des listes est clos, il y a un certain nombre de communes qui n'ont pas trouvé de candidats, ou dont les listes sont incomplètes, ou au mieux qui ne présentent qu'une seule liste alors qu'aux scrutins précédents, il y en avait au moins deux... Mais c'est vrai que nos édiles ne voient pas plus loin que les grandes villes qu'ils fréquentent, Lyon, Paris, Marseille, et ne se rendent pas compte qu'ailleurs, ça ne va pas vraiment très bien, et que la dernière réforme n'a rien arrangé, au contraire !

2 commentaires:

SM a dit…

Beaucoup d'édiles, de plus en plus horrifiés par la complexité croissante de la fonction de maire, ne se représentent pas, en effet. Même dans les petits villages...

Un autre problème est l'instauration de l'obligation de faire des listes, là où ce n'était pas obligatoire auparavant, et où on pouvait se faire élire sans avoir sollicité un quelconque mandat. On se demande parfois ce que le législateur a dans sa caboche pour ne pas avoir anticipé ce qui n'est rien d'autre que LOGIQUE... Bien sûr que, mécaniquement, moins il y a de monde, plus c'est dur d'avoir des candidats ! C'est bien pour cela qu'il n'y avait pas de liste mais qu'on autorisait le panachage. Plus le temps passe, plus les crânes d'œuf sortis de l'ENA semblent perdre le sens des réalités...

Marie-Dosithée a dit…

Oh que tu as raison ! Si tu avais vu l'air effaré et désemparé des maires des communes rurales (comme la mienne), au congrès des maires de novembre dernier..... On a eu un colloque de 3h et en sortant, on se regardait tous en écarquillant des yeux ahuris de ce que venait d'expliquer le chef de cabinet du ministre de l'intérieur !