23 nov. 2020

Philosophie

Tout au long de cette interminable crise sanitaire, on a privilégié la vie de l'être humain, au détriment de tout le reste. Sauver des vies, soigner et guérir les malades, prévenir la contagion pour que le plus de gens restent en bonne santé. C'est très bien, mais...

Alexandra Laignel-Lavastine, dans son excellent essai(*) "La déraison sanitaire" sous-titré "Le Covid-19 et le culte de la vie par-dessus tout" explique (je cite) "La vie organique est l'alpha, elle n'est pas l'omga, car il existe des principes plus essentiels que la vie brute".

En effet, que nous a-t-on proposé ? De ne plus sortir de chez soi que pour aller chez le médecin ou dans un commerce d'alimentation, de ne plus voir ses amis, ou de leur parler avec un écart d'un mètre minimum, avec, évidemment un masque permanent, de confiner dans leur chambre les personnes âgées dans les maisons de retraite sans contact humain autre que celui de la préposée à la toilette ou au plateau repas, de ne plus aller au cinéma, au concert, au théâtre, à l'église (ou à la mosquée) et même dans une librairie ou une bibliothèque, de ne plus rendre visite à nos amis ou à quelqu'un de la famille qui est à l'hôpital, etc...

Donc, on a éradiqué toute vie sociale, toute vie culturelle, tout ce qui fait que l'homme n'est pas une simple créature biologique, mais un être de chair et d'esprit. C'est en ça qu'il se distingue des animaux...

Sommes nous devenus des colonies de fourmis, des bancs de poissons, des troupeaux de moutons, uniquement préoccupés de nourriture et de distance avec le ou les prédateurs ? Est-ce que pour sauver sa vie on en perdrait le sens ? Et quel est l'intérêt d'une vie uniquement végétative, sans contacts humains, sans culture ? Vaut-elle la peine d'être vécue ?? L'impératif "sauvons des vies" nous aurait-il collectivement hébétés(**) ?

Et ceux qui nous suivent ? Quel avenir leur aura-t-on laissé après cette réaction plutôt égoïste à la pandémie ? Écoles qui ferment ou qui boitent, dont les élèves ne peuvent plus profiter normalement, économie en berne, chômage en hausse, dette abyssale.... Nous remercieront-ils de nous être d'abord préservés avant de penser à leur avenir ?

Autrefois, dans un autre siècle, ceux qui nous ont précédé ont choisi la Résistance, la dissidence, les barricades(***) au mépris souvent de leur vie, pour assurer aux autres et à ceux qui les suivent un monde meilleur. Qu'est-ce que l'Histoire retiendra de notre époque ? Nous n'y serons plus pour le savoir... Heureusement !

(*) On peut évidemment le commander chez Amazon, FNAC ou similaire, puisque nos vies sont alimentées par un câble téléphonique ou une fibre optique, et que nos librairies sont fermées...
(**) Les citations sont tirées d'un article paru dans le Figaro Magazine de cette semaine, aux pages 37 et 38
(***) Je ne parle pas de celles de Mai 68, mais de plus anciennes, au XIXe siècle.
 

21 nov. 2020

Triste

Qu'ils sont tristes les trottoirs de ma petite ville avec toutes ces boutiques fermées, toutes ces vitrines vides, tous ces gens qui font la queue éloignés les uns des autres.

Que c'est triste de voir tous ces gens masqués, aux lunettes embrumées, qui ne se reconnaissent plus dans la rue, qui se parlent rapidement à un mètre l'un de l'autre.

Que c'est triste de voir que le jour où sort le Beaujolais nouveau, il est interdit de le déguster entre amis, et de faire la fête avec les copains.

Que c'est triste de devoir acheter un objet de première nécessité(*) chez Amazon parce que le Gouvernement a fermé les petits commerces de proximité.

Que c'est triste de passer devant ces restaurants ou ces cafés fermés, rideaux tirés, terrasses désertes.

Que c'est triste de devoir, pour sortir de chez soi, aller sur le site du Ministère de l'Intérieur, y remplir un formulaire, le télécharger et le transférer sur son smartphone. Et une fois arrivé à destination, de s'enduire les mains de gel hydroalcoolique, avant d'enfiler un masque qui empêche de respirer.

Que c'est triste de ne pas pouvoir visiter ses amis hospitalisés, de ne pas pouvoir se rendre chez ses enfants quand ils habitent loin, de ne pas pouvoir s'étreindre quand on ne s'est pas vu depuis longtemps.

Qu'ils sont tristes ces artistes qui jouent sans public, ces sportifs qui disputent leurs matchs à huis clos, ces chrétiens qui ne peuvent plus se rassembler.

Quand tout cela finira-t-il ? Avant que tout le monde tombe dans une profonde et irréversible dépression ? 


Ci-joint un extrait d'article du Figaro Madame : "Enfin, on est las. Malgré les efforts produits, la situation ne s'arrange pas. Alors pourquoi se donner tant de mal ? Notre logique de contrôle ne fonctionne plus, et nos objectifs sont suspendus, remarque le Dr François Bourgognon, psychiatre. Cela remet en question nos motivations. On se dit à quoi bon ? C'est épuisant. Cette hypervigilance épuise, explique Florian Ferreri. Elle est en plus renforcée par l'incertitude. On ne sait pas où on va.. "



(*) Une montre parlante pour un vieux monsieur aveugle qui avait cassé la sienne
 

6 nov. 2020

Tiens, tiens...

 

Comme on ne peut pas se débarrasser des coups de fil indésirables, on peut s'en amuser ou faire des expériences.

Un appel d'une dame à l'accent indéterminé, qui me dit qu'elle s'appelle Martine et qu'elle voudrait m'informer sur l'isolation à un euro.
- Bonjour madame, pourriez-vous avant tout me dire depuis quelle ville vous m'appelez ?
- Euh... Pourquoi vous me demandez ça ?
- Mais pour information bien sûr
Elle hésite un instant et me répond :
- Evreux
Ah bon, avec un numéro de téléphone qui commence par 04 ?? Je ne savais pas que la préfecture de l'Eure avait émigré dans le Sud Est du pays.. J'ai raccroché sans attendre.

Second appel, cette fois, un monsieur, mais toujours avec un accent indéterminé, qui me donne son nom qui sonne bien français, enfin, quand on arrive à le comprendre, et toujours pour cette fichue isolation à un euro. Toujours un numéro qui commence par 04.
- Bonjour monsieur, pourriez-vous avant tout me dire depuis quelle ville vous m'appelez
Et là, c'est lui qui a raccroché avec précipitation. De quoi a-t-il eu peur ? On se le demande...

Et un troisième. Quelques secondes pour répondre à mon allo, sur fond de voix et de rires. Une dame me dit qu'elle s'appelle xxx et qu'elle m'appelle de la part d'un partenaire d'EDF. Elle me demande si je suis bien madame yyy habitant... Et là, elle se met à annoner mon adresse au point que je l'interrompt et lui demande ce qu'elle veut exactement. Elle me répond d'un petit ton sec qu'elle n'aime pas les gens qui ne sont pas aimables au téléphone ! C'est la meilleure ! Je lui réponds "tant pis pour vous" en raccrochant.

Le dernier, le plus sympathique. Un charmant monsieur me téléphone et me dit qu'il m'appelle de Marrakech. Étrange, il parlait un français parfait... Il me dit qu'il représente une agence de voyage, et m'appelle pour me proposer divers séjours. Hélas monsieur, j'aimerais bien aller à Marrakech, même si je préfère Ouarzazate ou Essaouira, mais vous oubliez que nous sommes confinés, et que le virus nous empêche de nous écarter de notre domicile sauf pour les trucs indispensables.. Ah oui, je comprends, me dit-il, et nous avons raccroché. Ils ne sont pas concernés au Maroc ? Si si, tout pareil, mais le tourisme est une branche importante de l'économie, alors, ils font feu de tout bois pour s'en sortir.

Alors, en attendant de retourner à Ouarzazate, ou sur les remparts d'Essaouira, on va télécharger son papier de dérogation, le mettre sur le smartphone, se désinfecter les mains, mettre son masque et... Aller acheter son pain !