En ce temps là, il y avait du côté de Limoges, un monastère de carmes, où une cinquantaine de moines vivaient de prière, des légumes de leur jardin, d'eau claire et de pain. La vie y était tranquille, et la foi débordante. Un beau jour, en sortant de l'office de prime, alors qu'il ne faisait pas jour, frère Avertain eut une vision : une forme blanche et bleue, qui lui faisait penser à la Vierge Marie, lui indiquait la direction du sud-est, et lui disait dans un murmure : "mon fils, tu dois aller à Rome, voir le pape et prier dans toutes les églises de cette ville sainte, en chemin, tu béniras les pauvres et les mendiants. La route sera dure, longue, peut-être que tu ne parviendras pas au bout du chemin, mais cette route te mènera directement au ciel". La forme s'évanouit dans les premières lueurs de l'aube, et frère Avertain s'évanouit aussi, de faim, de saisissement, de peur ? Nul ne le sait...
Le père abbé arriva aussitôt, releva le moine, le secoua, et après avoir repris ses esprits, Avertain raconta à la communauté sa vision. Tous furent ébahis, jamais encore l'un des leurs n'avait eu le privilège que la sainte vierge lui apparaîsse. Il te faut partir à Rome lui dit l'abbé avec autorité, on ne peut pas désobéir à Notre-Dame. Par contre, ajouta-t-il tout contrit, nous ne pouvons rien te donner pour la route, sinon une miche de pain, nous sommes trop pauvres. Si tu le souhaites, tu peux emmener avec toi le frère convers, ça ne lui fera pas de mal de se sanctifier un peu à celui-là !
A cette époque, les frères convers étaient chargés des basses besognes. Ce sont eux qui nettoyaient les pavés et les latrines, tandis que les moines assistaient aux offices et priaient pour eux. Ils bêchaient le jardin, ravaudaient les coules, étaient sollicités en permanence et par tout le monde. Si bien qu'eux-mêmes avaient à peine le temps de bâcler mâtines, vêpres et complies, qu'ils récitaient en courant de la cuisine au cellier. Le père abbé le leur reprochait bien souvent...
C'est ainsi que dès le lendemain et dès potron-minet, les deux frères se mirent en route. Et elle était longue la route de Limoges jusqu'à Rome, il y avait des montagnes à gravir, des fleuves à traverser, il faisait souvent froid, et l'hospitalité était rare, entre granges et écuries. Ils ne mangeaient que ce qu'on leur donnait, et buvaient aux fontaines. Et pourtant, un beau jour, par un clair matin, ils laissèrent les hautes montagnes derrière eux, et arrivèrent dans un autre pays. Il y avait du soleil, les gens ne parlaient pas comme eux, on leur offrit du vin et une nourriture dont ils ne connaissaient pas le goût.
Toutefois, en moines obéissants qu'ils étaient, ils continuèrent leur chemin vers le sud, en suivant le soleil qui se faisait de plus en plus chaud, et arrivèrent dans une grande ville. Que de monde, des gens partout qui marchaient, qui couraient, s'interpellaient, et l'église, une merveille, immense, majestueuse, ils n'en avaient jamais vu de pareille. Avertain restait la bouche ouverte, comme s'il avait perdu la parole tant il était saisi ! Le frère convers admirait aussi, mais il avait vu, sortant d'une maison proche, presque en catimini, un convoi funèbre précédé de clochettes qui l'intriguait. Qu'est-ce donc ? Pourquoi les gens s'écartent au lieu de suivre le charreton ? Un habitant qui passait par la expliqua : "Il y a des cas de peste dans notre bonne ville de Lucques, et si ça continue, la vie animée que vous avez constatée en arrivant va vite se changer en pleurs et en lamentations. Fuyez, fuyez tant qu'il en est encore temps". Puis, il partit dans une autre direction.
Les deux moines se regardèrent. La peste ? Mais c'est la mort assurée pour qui l'attrappe, et une mort horrible en plus. Il faut partir, vite, vite, sinon, nous n'arriverons pas à Rome. Commençons par prier s'écria Avertain, et suivons ce convoi en récitant les litanies. Le frère convers opina et le suivit. Ils étaient d'ailleurs les seuls derrière le pauvre mort, et ils l'accompagnèrent en psalmodiant jusqu'au charnier.
Une fois la dernière prière dite, le moine se tourna vers son compagnon : "mon frère, il est trop tard maintenant pour se mettre en route. Allongeons-nous dans ce pré, enroulés dans nos capes, nous passerons la nuit et partirons à l'aube de demain". C'est ce qu'ils firent.
Le lendemain matin, le moine et le frère convers se levèrent tout courbattus, claquant des dents. Leurs jambes les portaient avec peine, leur tête était toute embrumée. Ils décidèrent d'aller prier à la grande église pour se donner des forces avant de reprendre leur chemin. Mais arrivés sur le parvis, le frère convers s'arrêta, se toucha la jambe et demanda à son compagnon si c'était normal d'avoir comme une grosseur à cet endroit, ou si c'était l'effet de la mauvaise nuit qu'ils venaient de passer. Après tout, il était moine, il était donc savant, il avait forcément une réponse. Son compagnon le regarda, et hocha la tête en lui disant : "mon frère, c'est pareil pour moi, je pense que nous avons la peste, ce mal va vite, très vite, nous n'arriverons pas jusqu'à Rome.."
Résignés, mais voulant trépasser près du Saint Sacrement, les deux hommes s'installèrent sur le parvis, se recroquevillèrent dans leurs vêtements usés, et attendirent la mort. Les gens passaient, se signaient en les voyant, tous savaient qu'ils étaient deux pélerins qui allaient à Rome à l'appel de la Sainte Vierge. Quand ils moururent, le même soir, à la même heure, ils les enveloppèrent dans un linceul neuf, bien cousu pour que le mal ne sorte pas, les aspergèrent d'aromates et firent dire la première messe pour le repos de leur âme avant d'aller les enterrer. Aussitôt, la peste quitta la ville de Lucques, et tous les malades furent guéris !
Ces moines sont des saints s'écrièrent les braves gens, ils ont repoussé la peste par leur sacrifice, miracle, miracle !! Aussitôt, ils se rassemblèrent pour leur construire un beau tombeau, et le tailleur de pierre arriva tout de suite pour graver leur nom sur la stèle. Frère Avertain et ... Mais, quel était le nom du frère convers ? Nul ne le savait... Et alors, que faut-il écrire sur la pierre ? Une vieille femme qui les avait suivis s'écria : "Appelons-le Roméo, ça veut dire, je vais à Rome, et c'est bien ce qu'il faisait, non ? Comme ça, Notre-Dame sera contente, ce sera comme s'il avait accompli leur voeu jusqu'au bout". Tout le monde tomba d'accord immédiatement.
Et c'est ainsi que depuis l'an 1380 on vénère saint Avertain et le bienheureux Roméo. Toutefois, si l'un est saint, l'autre n'est que bienheureux, et si Nominis ne sait pas pourquoi, ce n'est pas moi qui le saurais.....Le père abbé arriva aussitôt, releva le moine, le secoua, et après avoir repris ses esprits, Avertain raconta à la communauté sa vision. Tous furent ébahis, jamais encore l'un des leurs n'avait eu le privilège que la sainte vierge lui apparaîsse. Il te faut partir à Rome lui dit l'abbé avec autorité, on ne peut pas désobéir à Notre-Dame. Par contre, ajouta-t-il tout contrit, nous ne pouvons rien te donner pour la route, sinon une miche de pain, nous sommes trop pauvres. Si tu le souhaites, tu peux emmener avec toi le frère convers, ça ne lui fera pas de mal de se sanctifier un peu à celui-là !
A cette époque, les frères convers étaient chargés des basses besognes. Ce sont eux qui nettoyaient les pavés et les latrines, tandis que les moines assistaient aux offices et priaient pour eux. Ils bêchaient le jardin, ravaudaient les coules, étaient sollicités en permanence et par tout le monde. Si bien qu'eux-mêmes avaient à peine le temps de bâcler mâtines, vêpres et complies, qu'ils récitaient en courant de la cuisine au cellier. Le père abbé le leur reprochait bien souvent...
C'est ainsi que dès le lendemain et dès potron-minet, les deux frères se mirent en route. Et elle était longue la route de Limoges jusqu'à Rome, il y avait des montagnes à gravir, des fleuves à traverser, il faisait souvent froid, et l'hospitalité était rare, entre granges et écuries. Ils ne mangeaient que ce qu'on leur donnait, et buvaient aux fontaines. Et pourtant, un beau jour, par un clair matin, ils laissèrent les hautes montagnes derrière eux, et arrivèrent dans un autre pays. Il y avait du soleil, les gens ne parlaient pas comme eux, on leur offrit du vin et une nourriture dont ils ne connaissaient pas le goût.
Toutefois, en moines obéissants qu'ils étaient, ils continuèrent leur chemin vers le sud, en suivant le soleil qui se faisait de plus en plus chaud, et arrivèrent dans une grande ville. Que de monde, des gens partout qui marchaient, qui couraient, s'interpellaient, et l'église, une merveille, immense, majestueuse, ils n'en avaient jamais vu de pareille. Avertain restait la bouche ouverte, comme s'il avait perdu la parole tant il était saisi ! Le frère convers admirait aussi, mais il avait vu, sortant d'une maison proche, presque en catimini, un convoi funèbre précédé de clochettes qui l'intriguait. Qu'est-ce donc ? Pourquoi les gens s'écartent au lieu de suivre le charreton ? Un habitant qui passait par la expliqua : "Il y a des cas de peste dans notre bonne ville de Lucques, et si ça continue, la vie animée que vous avez constatée en arrivant va vite se changer en pleurs et en lamentations. Fuyez, fuyez tant qu'il en est encore temps". Puis, il partit dans une autre direction.
Les deux moines se regardèrent. La peste ? Mais c'est la mort assurée pour qui l'attrappe, et une mort horrible en plus. Il faut partir, vite, vite, sinon, nous n'arriverons pas à Rome. Commençons par prier s'écria Avertain, et suivons ce convoi en récitant les litanies. Le frère convers opina et le suivit. Ils étaient d'ailleurs les seuls derrière le pauvre mort, et ils l'accompagnèrent en psalmodiant jusqu'au charnier.
Une fois la dernière prière dite, le moine se tourna vers son compagnon : "mon frère, il est trop tard maintenant pour se mettre en route. Allongeons-nous dans ce pré, enroulés dans nos capes, nous passerons la nuit et partirons à l'aube de demain". C'est ce qu'ils firent.
Le lendemain matin, le moine et le frère convers se levèrent tout courbattus, claquant des dents. Leurs jambes les portaient avec peine, leur tête était toute embrumée. Ils décidèrent d'aller prier à la grande église pour se donner des forces avant de reprendre leur chemin. Mais arrivés sur le parvis, le frère convers s'arrêta, se toucha la jambe et demanda à son compagnon si c'était normal d'avoir comme une grosseur à cet endroit, ou si c'était l'effet de la mauvaise nuit qu'ils venaient de passer. Après tout, il était moine, il était donc savant, il avait forcément une réponse. Son compagnon le regarda, et hocha la tête en lui disant : "mon frère, c'est pareil pour moi, je pense que nous avons la peste, ce mal va vite, très vite, nous n'arriverons pas jusqu'à Rome.."
Résignés, mais voulant trépasser près du Saint Sacrement, les deux hommes s'installèrent sur le parvis, se recroquevillèrent dans leurs vêtements usés, et attendirent la mort. Les gens passaient, se signaient en les voyant, tous savaient qu'ils étaient deux pélerins qui allaient à Rome à l'appel de la Sainte Vierge. Quand ils moururent, le même soir, à la même heure, ils les enveloppèrent dans un linceul neuf, bien cousu pour que le mal ne sorte pas, les aspergèrent d'aromates et firent dire la première messe pour le repos de leur âme avant d'aller les enterrer. Aussitôt, la peste quitta la ville de Lucques, et tous les malades furent guéris !
Ces moines sont des saints s'écrièrent les braves gens, ils ont repoussé la peste par leur sacrifice, miracle, miracle !! Aussitôt, ils se rassemblèrent pour leur construire un beau tombeau, et le tailleur de pierre arriva tout de suite pour graver leur nom sur la stèle. Frère Avertain et ... Mais, quel était le nom du frère convers ? Nul ne le savait... Et alors, que faut-il écrire sur la pierre ? Une vieille femme qui les avait suivis s'écria : "Appelons-le Roméo, ça veut dire, je vais à Rome, et c'est bien ce qu'il faisait, non ? Comme ça, Notre-Dame sera contente, ce sera comme s'il avait accompli leur voeu jusqu'au bout". Tout le monde tomba d'accord immédiatement.
Surtout, ne pas utiliser cette biographie fictive pour "sourcer" un article sur l'un de ces personnages sur Wikipédia, si l'histoire est réelle (enfin, telle qu'elle nous est parvenue), les détails sont tous inventés ! Seule la photo de la cathédrale de Lucques est bien réelle, et se trouve dans l'article consacré à cette ville.