20 mars 2014

Les rurbains


Un beau jour, monsieur Martin, qui en avait assez de vivre avec sa petite famille dans un appartement, décide d'acheter une maison à la campagne, pas trop loin de Paris pour qu'il puisse aller à son travail assez rapidement, et découvre, chez un agent immobilier local, une superbe maison mise en vente au prix qui lui convenait. Située dans un grand lotissement au milieu des bois, avec un terrain de 4000 m2, et une ferme voisine, elle lui a plu immédiatement. Là, on sera bien se dit-il, les autres maisons ne sont pas juste à côté, comme dans les lotissements de bas de gamme, et on est sûr qu'il n'y aura jamais de tour et d'usine bâtie à proximité. L'affaire se fait, et toute la famille s'installe au printemps suivant.

Ah que c'est bien la campagne, les fleurs, les petits oiseaux, l'apéritif pris dans le jardin sous les arbres qui apportent ombre et fraîcheur, on revit ! D'accord, il me faut prendre la voiture pour aller à la gare, donc, il me faut acquérir un second véhicule pour que ma femme puisse conduire les petits au sport ou à la musique, parce qu'il n'y a pas le moindre transport en commun, on se demande pourquoi on paye des impôts....

L'été se passe, les enfants commencent à trouver que c'est quand même moins rigolo que d'aller retrouver les copains de la rue voisine, ou, pour le plus grand, d'aller écouter un concert en prenant le métro. Là, faut sans arrêt demander à maman de nous transporter, et de quoi on a l'air devant les potes escortés par sa mère ! D'ailleurs, maman, elle rouspète aussi souvent, le boulanger est à 10 kms, le supermarché est à la ville la plus proche, à une quinzaine de kilomètres aussi, il n'y a ni médecin ni pharmacien dans ce bled, on se demande ce que fait la mairie...

C'est un dimanche matin d'automne, alors que belle-maman était venue déjeuner, que monsieur a explosé. Oui, je sais, il y a des feuilles partout, c'est normal, il y a beaucoup d'arbres, vous n'avez qu'à regarder où vous mettez vos pieds, vous croyez que j'ai le temps de ramasser tout ça hein ? Ça n'en finit plus ! Et d'abord, je suis fatigué moi, m'occuper du jardin après ma semaine de boulot m'épuise, et pas moyen de dormir avec ce coq qui se met à chanter à l'aube, je l'étranglerais bien volontiers si je ne me retenais pas, et l'autre, avec son tracteur qui n'arrête pas de labourer à grand bruit juste devant mon jardin, ça devrait être interdit ! On se demande quels sont les abrutis qui sont au conseil municipal....

Et madame de renchérir : et cet ADSL poussif, et je ne parle pas du téléphone, qui ne doit pas savoir que la 3g existe, qui ne me permet pas de mettre à jour mon profil Facebook facilement, pourquoi n'a-t-on pas la fibre optique ici, on se le demande, elle passait dans notre immeuble à Paris, alors, c'est bien parce qu'ils y mettent de la mauvaise volonté tout de même, on se demande à quoi s'occupe le maire.... Un incapable, j'te dis.

* Maman, j'veux aller au cinéma !
* Mon gendre, vous pourriez nettoyer votre chemin, j'ai crotté mes chaussures
* Papa, j'm'ennuie...
* Comment ça, il n'y a plus de pain ? Qu'est-ce que tu attends pour aller en chercher ? Ah, c'est fermé... Bande de feignasses...
* Qu'est-ce que tu attends pour aller voir le père Michu, j'en ai marre des odeurs de fumier, on devrait l'empêcher...

Et c'est ainsi que quelques temps plus tard, sur la maison de la famille Martin, il y avait une pancarte "À vendre" ! Et qu'un appartement à Paris, dans une rue très animée et très commerçante, à proximité du métro, a trouvé immédiatement preneur. 

Caricature ? À peine... :)

Billet inspiré par les réflexions de certains participants à une réunion d'information d'avant les élections municipales, où l'on se dit qu'Alphonse Allais (*) avait raison, faudrait bâtir les villes à la campagne !!

(*) Il paraît que ce ne serait pas lui l'auteur de cette phrase célèbre...

1 commentaire:

SM a dit…

Ton billet me fait penser à l'un des couples de la mini-série « Scènes de ménage », celui qui justement met en scène des « rurbains », lui prof, elle vendeuse en magasin de bricolage, et dont un certain nombre de scènes rappellent les éléments à peine caricaturaux que tu as développés, et nourrissent une critique savoureuse de ce type de population qu'on pourrait aussi appeler les « bobos pseudo-campagnards » :D.