30 sept. 2011

Faut pas être malade

Il ne fait pas bon avoir besoin d'un médecin dans notre France profonde. Il y a si peu de généralistes que ça tient du parcours du combattant. Soit on va à la consultation, soit on tente de prendre rendez-vous. Dans le premier cas, si celle-ci ouvre à 9h, et qu'on arrive 1/4 d'heure avant, il y a déjà au moins 6 personnes qui attentent, donc, si on en sort à midi au plus tôt, faut s'estimer heureux. Dans le second, faut prévoir d'avance qu'on va être malade, parce qu'il faut presque une quinzaine de jours pour en obtenir un. Quand il s'agit d'un renouvellement de médicaments, on a intérêt à prendre son rendez-vous d'une fois sur l'autre, en prenant de la marge. Et de toutes façons, on attendra quand même, aux alentours d'une heure, parce que le pauvre médecin est débordé, et qu'il prend du retard au fur et à mesure de ses consultations... Sans parler du fait qu'il faut avoir fait le check up de ce qu'on veut lui demander, parce que la consultation est si rapide, tant de gens attendent, qu'on n'a absolument pas le temps de réfléchir et d'expliquer ses misères !!

Quant aux spécialistes, un ophtalmo par exemple, là, le délai est de 3 à 6 mois, donc, faut pas être pressé, et programmer son changement de lunettes longtemps à l'avance.

Si, par malheur, on doit faire des examens spécifiques, IRM, Doppler ou similaire, là aussi, selon les services, les délais peuvent aller de 3 à 9 mois, ce qui laisse largement le temps d'être guéri ou de mourir !! Déjà, il faut obtenir le service au téléphone, ce qui est parfois aussi long que d'obtenir la hot-line de son FAI ..... Et ensuite accepter ce que l'on vous propose, tant pis si ça ne correspond pas à l'emploi du temps prévu.

Toutes les consultations médicales ne sont pas urgentes heureusement, mais quand on est confronté à ce genre d'attente et à toutes ces complications, on se demande ce qui se passerait si on était au fond de son lit avec plus de 40 de fièvre, ou si on avait un trouble grave à traiter rapidement. Les généralistes ne se déplacent plus, donc, inutile de leur demander une visite à domicile. Quelle est alors la solution ? Les pompiers ? Le SAMU ? Un taxi et direction les urgences de l'hôpital le plus proche ? Pauvres services d'urgences qui se retrouvent ainsi submergés de cas qu'une plus grande quantité de médecin généralistes aurait pu traiter de façon moins coûteuse pour la société.

Il paraît que cette (grave) pénurie médicale n'est heureusement pas générale, que des régions de France sont très bien desservies, comme la région PACA ou Paris, et qu'il n'y a pas de soucis d'attente et d'interminables délais comme dans notre Normandie pourtant si proche de la Région Parisienne. Mais comme il n'y a aucun moyen d'obliger un médecin à venir s'installer dans nos vertes campagnes, on risque de ne pas sortir de la crise rapidement.

Donc, il ne faut PAS tomber brutalement malade, c'est interdit, ou impossible. Il ne faut pas être seul et vieux si on habite un désert médical, ce n'est pas prévu dans l'organisation sanitaire française, et si on a des soins "chroniques" à faire suivre par un médecin, faut prévoir les dates de consultation plusieurs mois à l'avance pour ne pas se retrouver en panne de médicaments. Ou alors, déménager sur la Côte d'Azur ???

Je ne jette pas la pierre aux médecins généralistes qui font ce qu'ils peuvent, en tant qu'ancien personnel de santé, je sais combien c'est humainement difficile de refuser des clients ou d'ajourner des rendez-vous....

3 commentaires:

SM a dit…

Billet très intéressant, merci beaucoup.

L'actuelle désertification médicale de certaines régions françaises (voir ceci http://www.latribune.fr/carrieres/professions-liberales/20100623trib000523438/une-desertification-medicale-irreversible-.html par exemple) est très inquiétante, d'autant plus que le phénomène va aller en s'amplifiant : la plupart des "médecins de campagne" sont proches de la retraite, et un certain nombre a donc des difficultés à trouver des successeurs. A cela s'ajoute par ailleurs l'actuelle politique de centralisation des centres hospitaliers, qui fait craindre de sérieux problèmes pour la qualité des soins et secours dans certaines zones rurales...

Je pense en fait qu'il n'y a que deux solutions à ce gros problème :
- soit on impose des quotas, et donc des lieux d'installation aux nouveaux diplômés de la fac de médecine. Mais toute timide tentative en ce sens a invariablement provoqué de nombreuses levées de bouclier, sans parler d'une conformité plus que litigieuse avec le droit communautaire ;
- soit on développe des mesures incitatives importantes et concrètes en sélectionnant les zones désertifiées et en décrétant que toute installation, ou reprise d'un cabinet précédent, d'un médecin dans ces zones sera substantiellement, voire intégralement, financée par les collectivités publiques. Je sais que cela grèvera encore les finances pas très sains de l'Etat et des collectivités locales, mais il faut avoir le sens des priorités : l'accès aux soins est un droit fondamental !

Bisous :)

cajera a dit…

Les mesures incitatives existent déjà :
http://www.sante.gouv.fr/IMG/pdf/Comment_inciter_les_medecins_a_s_installer_en_zones_sous_medicalisees.pdf
Mais encore faut il que les jeunes médecins veuillent aller vivre à la campagne, au milieu des champs, loin de la ville et de ces loisirs.

Jean Marie a dit…

Et un médecin au milieu des champs ... c'est un vétérinaire.