7 mai 2012

La lourde procédure électorale

Pourquoi en 2012 procède-t-on aux consultations électorales en France exactement comme on le faisait avant guerre ? Quand on va voter, on va au bureau de vote, et on se présente devant une première personne qui vérifie si on est bien inscrit sur la liste électorale (*). Si, dans les villages, la carte d'identité prouvant que c'est bien la même personne que celle figurant sur la carte est plus ou moins facultative, dans les grandes villes anonymes, c'est obligatoire. Là, on vous donne une enveloppe et on prend les bulletins dans les piles, puis, c'est l'isoloir, puis, on se dirige vers l'urne dans laquelle on dépose l'enveloppe, où on récupère sa carte tamponnée, et enfin, on passe devant une troisième personne qui vous tend la liste d'émargements qu'il faut signer au bon endroit.

Mais c'est ensuite que ça se corse, quand il faut dépouiller. Le bureau de vote une fois fermé, on ouvre l'urne, laquelle comporte deux cadenas avec deux clés différentes conservées par deux personnes tout aussi différentes. Et on la vide sur une table. Là, il faut compter les enveloppes, tandis qu'au moins deux personnes comptent les émargements. Il faut impérativement que les chiffres soient identiques, lesquels doivent être identiques à ceux figurant sur le compteur de l'urne. Parfois tout va bien du premier coup, mais pas toujours, et alors, il faut recompter, repointer, tout revérifier...

Une fois ceci fait, les enveloppes sont rangées par 100 dans de grandes enveloppes et apportées aux tables de dépouillement. Là, on commence par les recompter. Y en-a-t-il bien 100, sinon.... on recommence. A la table de dépouillement, il y a cinq personnes : deux ouvrent les enveloppes, et tendent le bulletin de vote à celui qui annonce à voix haute le nom du candidat (**). Si le vote est blanc, nul parce qu'il y a deux bulletins différents dans l'enveloppe, ou que le bulletin présente une marque qui le différencierait d'un autre, l'enveloppe et son contenu est mise de côté et sera signée ensuite par tous les assesseurs. Deux autres inscrivent sur de grandes feuilles les votes en face du nom des candidats, ensemble, à haute voix 1 2 3... tandis que ceux qui sont autour vérifient qu'il n'y a pas d'erreur. A chaque centaine dépouillée, les votes inscrits sur les feuilles sont à nouveau vérifiés pour s'assurer que le total est identique au nombre d'enveloppes, puis, bulletins et enveloppes sont remis dans la grande enveloppe pour être conservés.

Une fois le dépouillement effectué, et les résultats proclamés par le Maire qui les affiche immédiatement sur la porte de la Mairie, on n'en a pas fini pour autant. Il faut remplir le procès-verbal en deux exemplaires, sur quatre pages, avec tous les détails (combien de bulletins nuls, pourquoi ont-ils été considérés comme nul, y a-t-il des remarques à faire sur le déroulement du scrutin, etc..) et tous les assesseurs doivent le signer, ainsi que les feuilles de comptage. Donc, il faut veiller à ce que les gens qui ont participé au dépouillement ne se sauvent pas une fois le résultat proclamé, sinon, faut les rappeler !

Et enfin, toute cette paperasserie doit être apportée à la gendarmerie dont dépend le village, par deux personnes au minimum. Il y a bien longtemps que les gendarmes, en sous-effectif constant, ne peuvent plus faire la tournée des mairies rurales après un scrutin.

Tout ça pour dire que... C'est pas un peu archaïque comme façon de faire ? Tous ces papiers, tous ces formulaires à remplir, toute cette manutention ? A l'heure où l'on fait bon nombre de démarches administratives via Internet comme déclarer ses impots, ou similaire, prendre sa voiture pour aller au bureau de vote, récupérer un papier (il y en a des millions d'imprimés), passer devant plusieurs personnes, compter manuellement les dits bouts de papier..... ce n'est ni moderne ni très écologique ! La seule chose qui ait changé c'est que l'urne est actuellement obligatoirement transparente (***), mais pour le reste, c'était exactement comme ça qu'on faisait quand j'ai voté pour la première fois, il y a... bien longtemps ! Alors, des "machines à voter" ? On en a parlé, en expliquant par exemple que le programmeur responsable pourrait être à la solde de tel ou tel parti et influer sur le résultat... Pourtant, ça fonctionne dans pas mal d'endroits déjà. Un vote dématérialisé par Internet (****) ? Quid de la surveillance de la régularité du scrutin, du piratage ? Et comment fait-on dans les autres pays ?

En attendant, avec quatre scrutins en deux mois, à la fin, on aura l'entraînement !

(*) sans oublier les vérification des procurations, de plus en plus nombreuses tant la procédure a été assouplie, où il faut fouiller dans la liste électorale, s'assurer que le mandant et le mandataire y sont bien inscrit, si l'électeur n'a pas déjà voté, etc... ce qui provoque des "bouchons" au bureau de vote !! 


(**) Et on ne cause pas des municipales pour les localités où le panachage est possible, là faut lire tous les noms qui n'ont pas été rayés.... soit entre 9 et 15 pour chaque bulletin. 


(***) Pour info, une urne transparente avec compteur, ça coûte de l'ordre de 200 euros. 


(****) L'Estonie le fait déjà

2 commentaires:

Arkanosis a dit…

« Alors, des "machines à voter" ? On en a parlé, en expliquant par exemple que le programmeur responsable pourrait être à la solde de tel ou tel parti et influer sur le résultat... Pourtant, ça fonctionne dans pas mal d'endroits déjà. »

Il y a des gens qui pensent que « ça fonctionne », mais je me garderais bien de dire ça sans avoir pu vérifier. Et vérifier, on ne peut pas, justement ; c'est tout le problème.

Le cas du programmeur est un problème parmi tous ceux possibles (le bug ou le hack, par exemple, sont àmha beaucoup plus à craindre). Mais le problème de base est toujours le même : l'absence de transparence. On ne sait pas comment fonctionne la machine. On ne peut pas vérifier qu'elle fonctionne. On ne peut pas garantir que si elle a fonctionné N fois elle fonctionnera la N+1-ème fois.

Alors le papier et l'isoloir, ok, ça fait archaïque, mais c'est transparent, vérifiable, contrôlable… et par n'importe qui.

cyberimage a dit…

La procedure est lourde mais simple et fiable et on ne vote pas très souvent. On a pas voté depuis 2009. Cette année, il y a deux élections et les prochaines se dérouleront en 2014.