Le Vidourle peut aussi être une rivière tranquille, ça dépend de la saison... |
En voyant les terribles images des inondations dans le Gard et dans l'Hérault, je me souviens... Quand j'étais enfant, et que je passais les vacances chez ma grand mère dans ce coin-là, j'ai eu l'occasion de voir les effets de certaines de ces catastrophes qui arrivaient souvent dans la seconde moitié de septembre, au moment des vendanges, quand les premières pluies de fin d'été tombaient sur le massif de l'Aigoual. En deux heures de temps maximum, la rivière, à sec depuis des mois, devenait un large torrent boueux emportant tout ce qui était à proximité quand encore, elle ne sortait pas largement de son lit pour s'étaler sur les cultures avoisinantes. Mon grand père me racontait qu'avant la guerre (la Seconde) quand la rivière arrivait à St Hippolyte du fort, comme il n'y avait pas le téléphone, on envoyait un cheval au galop prévenir Sommières, distante d'une trentaine de kilomètres, et la rivière arrivait trop souvent avant le cheval et son cavalier... Il me racontait aussi que plus tard, voyant des campeurs installer leur tente au bord de la rivière totalement à sec, il avait tenté de les avertir et de leur dire que le temps était menaçant, et que si la rivière arrivait, ils n'auraient pas le temps de déguerpir. Ils avaient rigolé, ajoutant que vraiment, ces gens du Midi, quelle imagination, ils exagèrent toujours tout. Le lendemain matin, il avait du secourir les imprudents, en pyjama au bord de ce qui était devenu un flot incontrôlable, ayant tout perdu...
Mais à l'époque, les anciens savaient jusqu'où la rivière pouvait aller, et ne construisaient jamais leurs maisons dans ces zones, les réservant aux cultures ou aux pâtures, parce qu'il valait mieux perdre les fruits de sa vigne ou de son potager plutôt que son toit. Dans les villes construites au bord des cours d'eau, le rez-de-chaussée n'était pas habité. Les maisons étaient bâties sur des voûtes supportées par des piliers, sous lesquelles on rangeait des affaires sans grande valeur, et où l'on prenait le frais l'été. C'est le cas de la jolie ville de Sauve, tout du moins dans sa partie la plus ancienne.
Seulement voilà, dans le Midi, il fait beau et chaud la plupart du temps, et tout le monde veut habiter dans un lieu où il ne pleut pas deux jours sur trois, où il y a du soleil, et toute la région s'est peuplée bien vite. Donc, on a construit, partout où il restait quelques arpents de terre, peu importe s'il y avait un risque, on l'ignorait, d'autant plus que ces catastrophes ne se produisent pas tous les ans. On a bétonné aussi, pour faire des routes, des zones commerciales, des parkings, et l'eau ne peut plus s'infiltrer dans les terrains quand il pleut beaucoup. Et maintenant, ce ne sont plus quelques arpents de vigne qui sont emportés, mais des maisons qui sont détruites, des gens qui n'ont plus rien...
Il ne s'agit pas de stigmatiser qui que ce soit, municipalités inconscientes, promoteurs véreux, retraités avides de soleil, ni faire preuve d'un passéisme borné, c'est juste un constat : se dire que de tout temps ce genre de catastrophe naturelle a existé dans ce coin de France, parce que le climat local est ainsi, que les rivières, à sec 9 mois de l'année peuvent en quelques heures devenir torrentielles, qu'un été sans une goutte de pluie peut s'achever sur un déluge amenant plus d'eau en un jour que sur plusieurs mois à Paris, et qu'il faut en tenir compte. Mais l'humain a la mémoire courte, et le bénéfice à court terme prime trop souvent sur le simple respect de la nature et de ses aléas.
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